Gamekult est un site de jeux vidéos francophone assez complet.
Cependant, ce genre de site n'a pas toujours une opinion objective en particulier sur les MMO qui demandent un temps très importants pour réellement en cerner les avantages et les inconvénients.
De même, la version testé par Gamekult est visiblement la version de lancement, autrement dit n'incluant aucun des modules ayant suivi. Il est aussi probable qu'une partie du test ait été effectué pendant la Bêta.
Enfin, certains arguments ennoncés sont réellement totalement subjectif ou parfois contradictoires. Malgré tout, le test est assez complet et dans l'ensemble enrichissant, à partir du moment où l'on garde en tête que le jeu est devenu beaucoup plus riche depuis, et que les bugs mentionnés dans le test n'existent plus.
Attention: je le répète, le jeu a reçu quantité de nouveaux modules depuis et la plupart des informations du test sont aujourd'hui erronnées.
L'article d'origine se trouve sur cette page.
Le Test de Gamekult (12 avril 2006)
Grand retour sur le devant de la scène MMORPG pour Turbine après la mésaventure Asheron's Call 2, Dungeons & Dragons Online : Stormreach est, un peu moins de trois ans après son annonce, enfin disponible. Un retour aux sources du jeu de rôle originel, en quelque sorte, et l'espoir pour beaucoup de revivre à l'échelle du massivement multijoueur les petits bonheurs du JdR papier. Guerriers fulminants, voleurs retors, magiciens ténébreux et donjons remplis de pièges, Stormreach a-t-il réussi à capturer l'âme de Donjons & Dragons ? Début de réponse ...
L'univers
Si le célèbre jeu de rôle papier créé en 1974 par
Gary Gygax et Dave Arneson a souvent eu les honneurs du jeu vidéo, sous toutes les formes possibles et imaginables, Dungeons & Dragons apparaît avec
Stormreach dans sa première véritable itération massivement multijoueur, si l'on excepte bien sûr quelques MUDs de l'ancien temps. Ici point de salut sans connexion Internet et sans l'abonnement mensuel de 13€,
Stormreach est un MMORPG, un vrai, basé sur la version 3.5 des règles de Donjons & Dragons (D&D) et situé dans le monde d'Eberron. Cet univers, parallèle à celui très usité des Royaumes Oubliés, combine la
fantasy classique avec certains éléments plus modernes comme la race des forgeliers (warforged), guerriers mécaniques conçus pour la guerre qu'il est d'ailleurs possible d'incarner ici.
Introduction au jeu
Le jeu débute, ô surprise, par la création de son personnage, presque une lapalissade si cette phase n'était ici d'une grande richesse, D&D oblige. En plus du forgelier déjà cité vous aurez le choix parmi 5 races, dont les classiques humains, elfes ou nains, et 9 classes de personnage différentes, qui ne brillent guère par leur originalité : guerrier, paladin, prêtre, barde, barbare... On notera de subtiles variations dans le choix des classes de voleurs (roublard ou rôdeur) et de sorciers (
magicien ou ensorceleur), puisque la finesse du système D&D permet, avec ses caractéristiques, ses dons et ses talents, de différencier son
avatar d'un autre héros de la même classe. Le guerrier peut préférer le maniement des armes à deux mains ou celui du bouclier, le prêtre choisir une carrière de guérisseur ou de spécialiste des
buffs, etc. Il est possible de générer automatiquement un personnage type, mais un aventurier aguerri choisira d'assigner un par un ses points de caractéristiques et sélectionnera lui-même ses dons ou compétences. De petites vidéos (en anglais non sous-titré) vous présentent sommairement chaque classe, histoire de vous aider à faire ce choix déterminant.
Comme
Guild Wars,
Stormreach se découpe en instances, c'est-à-dire en donjons privés réservés au groupe qui y pénètre. Seuls les différents quartiers de Cap Tempête, la ville qui sert de cadre à la quasi totalité des missions, sont peuplés par des joueurs en vadrouille généralement occupés à acheter ou faire réparer leurs items dans les boutiques, ou à courir d'une
instance à l'autre. Le manque de vie sociale prive ce MMORPG de son aspect « massif », et les zones communes paraissent désertes. Car c'est dans les tavernes que se fera l'essentiel des rencontres et s'obtiendra une bonne partie des quêtes. C'est également là que les joueurs viendront se ressourcer entre deux morts ou deux missions, puisque ni la vie ni la
mana ne remontent toutes seules en dehors de ces lieux. D'ailleurs dès votre entrée dans le jeu, une fois expliqués les rudiments de l'interface et le maniement du personnage, on vous enverra à l'auberge du coin débuter votre formation. Des missions propres aux principales classes vous aideront à vous familiariser avec le combat au corps à corps, la détection de piège, ou encore la magie. Là, le joueur s'apercevra rapidement que la progression dans
Stormreach est particulièrement lente. Pour l'instant, le cap est fixé au
niveau 10, ce qui équivaut à un personnage puissant de D&D, et grosso modo au niveau 50 d'un MMORPG classique puisque chaque niveau est ici échelonné en 5 rangs. Avec chaque rang le joueur gagne un point d'action qu'il peut dépenser, s'il le souhaite, dans le don de classe de son choix. Au cinquième rang, c'est le vrai passage au niveau supérieur, avec de nouveaux talents, mais aussi la perte des points d'action non dépensés auparavant.
Comment ça se joue
Stormreach se joue donc dans des instances qui rendent chaque donjon unique une fois activé. Au moment d'y entrer, le jeu vous affiche la durée de la mission (moyenne, longue...), le niveau général à comparer à celui des personnages de votre groupe (inutile de faire une instance niveau 7 avec des aventuriers de niveau 3), et enfin sa difficulté, puisqu'il est possible, après l'avoir terminé une première fois, de recommencer un donjon en mode Difficile ou
Elite, même si cela vous rapportera de moins en moins d'expérience à mesure que vous le rejouerez. Le système d'
XP est assez intéressant : vous n'en gagnerez qu'en remplissant des objectifs de quête, quel que soit le nombre de créatures tuées pendant la mission. L'expérience est attribuée au groupe à la fin de l'aventure sans que personne ne soit pénalisé par ses faiblesses ou son manque d'équipement, excepté s'il meurt. La mort est assez similaire à celle de
World of Warcraft, avec au choix la possibilité de retourner vous requinquer dans une taverne avant de revenir dans l'instance, de se faire soigner par les alliés qui en sont capables avant que votre avatar ne perde totalement conscience, ou, enfin, de voir votre pierre d'âme apportée par l'un de vos camarades dans un sanctuaire. Persistance du monde oblige,
Stormreach peut difficilement gérer certaines règles de D&D comme le repos ou la mémorisation de sorts de certains mages. Par conséquent, des autels situés dans chaque donjon permettront aux aventuriers, une fois par sanctuaire seulement, de revenir à la vie ou de se reposer pour regagner points de vie et de mana. La mort provoque une perte d'expérience assez minime mais peut s'avérer, si elle se répète trop souvent, assez dommageable dans un univers où chaque point d'XP et chaque point de vie a son importance.
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Le jeu favorise le travail d'équipe et la complémentarité des classes. Sans un prêtre et ses pouvoirs de guérison, sans un voleur et sa capacité à détecter et désamorcer les pièges ou à repérer les portes cachées, sans magicien pour occire certains ennemis insensibles aux armes ou réparer les forgeliers qui ne sont pas guéris par les sorts de soins classiques, la plupart des missions sont tout bonnement impossibles. Certaines classes comme les bardes ou les paladins semblent moins privilégiées par les joueurs, mais leurs auras ou buffs sont tout aussi utiles en mission. Par ces choix
Stormreach tente habilement de retranscrire l'ambiance du jeu de rôle papier : on constitue un groupe (6 aventuriers maximum) à la taverne du coin, on vient en aide à quelques
PNJ en détresse en acceptant des quêtes, on s'enfonce avec délectation dans des égouts mal famés ou des cavernes humides en quête de trésors et d'expérience. Une fois à l'intérieur chaque joueur doit tenir son rôle sous peine de passer à côté des objectifs annexes qui pimentent les quêtes (tuer un monstre caché, trouver un coffre dans une zone secrète, vandaliser le donjon en cassant un maximum de caisses ou de barils) et qui donnent de petits bonus d'XP à l'équipe. Toujours dans un esprit d'équité, les coffres à trésor réservent les items à chacun des joueurs évitant les conflits liés à telle ou telle arme. Personne ne peut prendre les objets qui vous sont personnellement attribués. Bien sûr, rien ne vous empêche de les échanger après coup, surtout que la distribution est aléatoire : un guerrier peut se retrouver avec un bâton magique et un ensorceleur avec une armure de plate +1. Bien sûr, des visites régulières aux boutiques pour réparer et revendre sont à prévoir, les meilleurs items ou armes magiques étant particulièrement coûteux.
Un vrai jeu en équipe
L'intérêt de ce
gameplay est de favoriser le teamplay et de ne laisser personne sur le carreau. Certaines quêtes, comme les salles en ruines de la Maison Kundarak, sont particulièrement longues et prenantes, avec moults pièges vicieux, boss retors et coffres généreux, et testent les compétences des groupes en exigeant d'eux unité et altruisme. Il n'a en revanche pas que des avantages et
Stormreach déplaira fortement aux amateurs de contenu
solo car il ne propose rien de ce point de vue là passé les 3 ou 4 premières missions. Qui plus est, le terrain de jeu étant très découpé nul besoin d'un sens de l'exploration ou de l'aventure très poussé. Rien à faire en ville, ou presque, à part vaquer de la boutique de potions à l'armurerie la plus proche, chercher de nouveaux héros pour constituer un groupe, ou visiter les nombreux collectionneurs avec qui échanger les multiples items (champignons, pages de livres, mousses, potions d'ambre) collectés dans les donjons. D'où cette sensation parfois étouffante que l'univers est très confiné, et que les 130 missions proposées actuellement (145 si l'on compte le module gratuit sorti aux Etats-Unis qui mettra hélas encore quelques semaines à nous arriver) finissent par beaucoup se ressembler. Surtout que pour progresser au plus vite, on en vient à répéter les mêmes donjons les plus riches en XP ou les plus généreux en items de choix (les Réservoirs, Shan To Kor).
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L'orientation du jeu est une autre source d'interrogation : pourtant destinés aux groupes et aux guildes,
Stormreach nous impose une interface bancale qui rend presque inutile la liste d'amis (le premier module est censé corriger ce problème) et ne partage aucune quête entre membres d'une même équipe. La seule solution consiste à aller visiter chaque PNJ et à accepter un maximum de missions, afin de toujours avoir celles susceptibles d'être entamées par votre groupe. Heureusement, durant les heures pleines, trouver des aventuriers n'est pas bien difficile, grâce à un système de recherche qui évoque celui de
City of Heroes sans toutefois en avoir l'efficacité. Au chapitre des reproches on notera aussi qu'au moment de se connecter le menu n'indique ni la langue, ni le nombre de joueurs présents sur les différents serveurs. Le
gameplay n'est pas non plus sans lacunes. L'alignement, forcément neutre ou bon (pas de personnages mauvais pour le moment) n'a visiblement que peu d'influence sur le jeu. Les PNJ vous confieront des quêtes quelle que soit votre attitude et les talents de bluff ou d'intimidation semblent avoir peu de prise sur eux même pour négocier le prix des objets. L'intelligence artificielle est sommaire et si l'on peut comprendre qu'un jeu massivement multijoueur ne propose pas une
IA digne d'un FPS solo, une certaine subtilité dans les comportements et des créatures plus mobiles n'aurait pas été de trop. Le jeu a tout de même ses moments, comme dans ces donjons où un roublard doit tuer un garde kobold dans son sommeil pour éviter qu'il n'aille sonner l'alarme et alerte ses collègues.
La bonne formule ?
Des bonnes idées,
Stormreach n'en manque pas : voir son joueur figé par le sommeil alors que les combats font rage autour de lui, ou son écran devenir noir (littéralement) à cause d'un sort de cécité rappelle combien l'univers D&D est riche et inventif. Les combats sont plaisants, les personnages faciles à prendre en main, et les petites acrobaties du roublard ou la possibilité de bloquer une attaque avec son arme ou son bouclier leur donne un dynamisme bienvenu. Les effets des sorts et des magies sont souvent spectaculaires, et le jeu visuellement très agréable avec une utilisation judicieuse du bloom, des textures très fines, et quelques passages marquants comme ces grottes immenses où les cristaux muraux se reflètent dans une eau au rendu magnifique. L'ambiance est très réussie : musiques oppressantes, bruitages soignés, voix du maître du donjon qui introduit chaque mission comme le ferait un vrai
DM dans une partie sur table,
Stormreach compense un manque flagrant d'originalité par ce genre de détails qui ont leur importance. Dommage, les graphismes sont sans doute trop cartoons pour être véritablement effrayants, et la finition n'est pas parfaite avec de nombreux bugs physiques (monstres qui se juchent en hauteur sur un élément de décor, corps ou objets dans le vide) et des soucis de gestion de la mémoire vidéo qui rendent les zones de la ville les plus lourdes en textures assez pénibles à traverser.
Comme toujours dans le cas d'un jeu massivement multijoueur la grande inconnue demeure son évolution. Dans le cas de
Stormreach, plus encore que l'ajout éventuel du contenu gratuit que les développeurs de Turbine se sont engagés à fournir de manière soutenue et régulière, c'est le fondement même du
gameplay qui pourrait l'handicaper à long terme. Sans crafting, sans
PvP, avec seulement 5 serveurs (dont un français, Onatar) et une structure basée sur les instances qui limite énormément le plaisir de l'exploration, de la découverte, et la sensation d'appartenir à un tout,
Stormreach aura sans doute des difficultés à s'imposer sur un marché déjà très compétitif. Le jeu n'est pas sans atouts : son
gameplay accessible, son système de règles populaire et bien rôdé, ses donjons et ses groupes d'aventuriers venus vider les coffres ont tout pour satisfaire le
casual gamer. Les autres seront sans doute plus dubitatifs, et n'iront probablement pas au-delà du mois gratuit. Le positionnement choisi par
Atari est-il pérenne quand on pense à la voie ouverte par Guild Wars, ou quand on le compare à
Neverwinter Nights et sa foultitude de modules gratuits ? Voilà une question à laquelle seule Turbine et son éditeur pourront répondre, même s'il n'est pas interdit dans l'intervalle de prendre plaisir à ce MMORPG de la vieille école, pas innovant pour deux sous et même rétrograde sur bien des points, mais dont les missions et l'ambiance ont beaucoup de charme.